lundi 8 février 2010

Un article qui nous fait les yeux doux...

C'est en relevant les pics de Courrier International que j'ai trouvé aujourd'hui ce petit article, sous forme de controverse sur les usages médicinaux du plomb. Car malgré une réputation un peu "plombée" par les ravages du saturnisme, contracté le plus souvent au contact de vieilles canalisations, le plomb aurait, semble-t-il, des vertus démontrées par l'usage du plus ancien fard du monde... le Khôl.
Le Khôl nous est connu, à nous, femmes occidentales pressées, sous la forme de crayons à maquillage sombre, un peu plus gras que les autres, que l'on utilise afin de border l'oeil, et de se faire un regard de braise. Cependant, à l'origine, le Khôl, semble avoir plutôt servi à "appaiser" les maux des yeux, plutôt qu'à attiser leur flamme!


Comme nous le précise cet article:

L’art médical, dans l’Egypte ancienne, faisait déjà l’objet d’une codification poussée. En témoigne ce papyrus trouvé en 1862 à Louxor. Il rassemble, en 877 paragraphes, la connaissance déjà accumulée entre les XVIIe et XIVe siècles avant l’ère chrétienne. Ainsi sur l’ophtalmologie : “Autre [remède] pour chasser l’exsudat-khent qui est dans les yeux : galène : 1/32 ; suc de baumir : 1/16 ; calamine : 1/16 ; ocre rouge [tjerou] : 1/64 ; minéral-sia du Sud : 1/64. [Cela] sera broyé finement, préparé en masse homogène et placé dans les yeux jusqu’à ce qu’ils guérissent parfaitement.” Toute la difficulté, pour les chercheurs qui souhaitent vérifier l’efficacité de ces remèdes et s’en inspirer – comme dans l’ethnopharmacologie – est de déterminer la nature exacte des ingrédients cités dans les manuscrits. (...)
La revue Analytical Chemistry conclut que le plomb qui entrait dans la composition du khôl, loin de menacer la santé des Egyptiens comme le laisserait supposer la toxicologie moderne, leur assurait une protection contre les infections oculaires. “Nous sommes partis des flacons”, explique Philippe Walter (Centre de recherche et de restauration des musées de France, CNRS), qui, avec ses collègues analyse les résidus trouvés dans des dizaines de “trousses à maquillage” des collections égyptiennes du Louvre. Ils montrent que quatre composés à base de plomb entraient dans la composition du khôl : la galène, qui assure les tons noirs et le brillant, ainsi que trois matières blanches, la cérussite, la phosgénite et la laurionite. La présence de ces deux derniers composés est une surprise, car ils n’existent pas à l’état naturel. Des auteurs comme le Romain Pline l’Ancien (23-79 après J.-C.) ou le Grec Dioscoride (40-90 après J.-C.) qu’ils étaient synthétisés intentionnellement pour leur propriété médicale. “Certains écrasent une livre de sel avec une quantité égale d’écume d’argent (oxyde de plomb ou litharge), sous le soleil, avec de l’eau décantée jusqu’à ce qu’elle devienne blanche”, précise même ce dernier dans son De Materia medica. Durée des opérations : quarante jours…


De l'Afrique du Nord aux confins de l'Asie, chaque pays possède "sa" recette du Khôl. En Inde, le Khajal, cousin du Khôl, par plusieurs siècles de vie commune avec le raffinement de la culture musulmane et moghole, connaît une variante intéressante, propre à l'influence prégnante de l'hindouisme et de la culture brahmanique. Dont l'ingrédient de base, culinaire, médicinal, mais aussi sacré, est le ghee, ou beurre clarifié.
Le Kajal, en Inde, est fabriqué à partir de ghee comburé. Le plus souvent, les femmes utilisait le reste de la mèche des lampes à huile (dont le carburant est le ghee) pour fabriquer leur Kajal. L'on s'en servait aussi bien pour les hommes, pour les femmes, que pour les enfants, dont les yeux, souvent sujets à l'humeur, pouvaient attirer les insectes, et devenir le point de départ d'affections plus graves. Les plus fortunées le conservait dans des petites boîtes en argent, et l'appliquaient avec une petite tige en or fin...
L'industrie pharmaceutique ou cosmétique, inspirée par la tradition ayurvédique, propose des petites palettes de Kajal à base de ghee, et de plantes médicinales. Economique (pas plus de 10 roupies le petit pot), le mélange se conserve très longtemps, et assure une protection très efficace dans les lieux pollués... Gardons l'oeil!

Pour fabriquer vous même votre Kajal

Enduire un morceau de ficelle, ou, de préférence, un morceau de coton, ou encore du fil DMC, de beurre clarifié. Dans un petit récipient d'une contenance maximum de 5 ml, fabriquer comme une petite lampe, où l'on verse l'équivalent de 2 cc de beurre clarifié liquiéfié, et où l'on laisse la mèche prendre appui sur l'un des rebords, et faire lentement sa combustion.On peut l'associer à un peu de poudre de rose, ou de santal.
Appliquer ensuite le Kajal à l'aide d'une estompe, d'un coton tige très fin, ou même du doigt. Vous noterez un petit effet inhabituel en l'appliquant, car le ghee, rafraîchissant par nature, fortifie les yeux, et détend le regard...

Normalement, le ghee peut se conserver des mois et des mois. Mais nos normes d'hygiène nous feront préférer une conservation courte: d'une semaine à 15 jours après sa fabrication.

Vous pouvez également trouver du Kajal dans certains magasins indiens (pour les parisiennes), ou encore dans certains magasins biologiques, avec la marque Lakshmi (plus onéreux, mais de belle qualité). Ces produits, normalement sans conservateurs, ni adjuvants chimiques, sont de bonnes alternatives pour les yeux sensibles, et pour toutes celles qui souffrent d'allergies diverses se manifestant par des irritations des yeux.




Source Courrier International 8 février 2010
Crédit Photo, flick r MK Graham

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